En train

Les transports sont une aventures en soi en Birmanie. Bus, bateau, train on n'a que l'embarras du choix pour peu que l'on ne soit pressé ni de partir ni d'arriver!

Il y a certes des horaires, mais on dira qu'ils sont pour le moins flexibles…heure prévue de départ H, heure effective H+1 au mieux, jusqu'à H+ 4,5,6... les grands jours!
Mais les gares, terminaux de bus ou embarcadères sont de tels concentrés de vie que l'attente se passe en douceur à regarder ce grand théâtre ouvert, flux continu de personnes, de marchandises, de couleurs, le moment idéal pour me laisser aller à mon petit jeu favori, la contemplation.

Et puis, il y a les trajets en eux-mêmes. Avec les bus, parfois on est chanceux, la clim' fonctionne, on a réussi à avoir une place devant qui nous évite de trop sentir l'absence d'amortisseurs, ou la route n'est pas trop défoncée, et alors c'est grand luxe. Mais parfois, on l'est moins… dernier road trip en date: 12h dans un bus sans clim'(pas que j'en raffole mais quand il fait 40° dehors, ça devient vite essentiel…) sur la banquette tout au fond, collée au moteur qui chauffe pire qu'un convecteur, les genoux sous le menton, le tout sur une route complètement défoncée, toute en virages, un grand moment!

enfin bref, de toute façon le bus c'est pas trop mon truc, moi ce que je préfère c'est le train
Alors au programme aujourd'hui, les images de mes voyages sur les rails, Mandalay - Myitkyina, 23h de bonheur et Mandaly-Hsipaw, 16h, de bonheur aussi!

Mandalay-Myitkyina:

Départ prévu à 4h30 du mat', on arrive à 4h à la gare, (ah oui "on" parce que je suis avec Yvonne, une allemande avec qui je fais un bout de route) convaincues que l'on va poireauter 3 plombes que le train se décide à arriver. C'est ce que nous ont racontés d'autres voyageurs croisés la veille. On s'attend au pire mais que nenni, 4h25, le train entre en gare, 4h35 on est en route, la SNCF n'aurait pas fait mieux!
4h30 c'est un peu rude comme horaire, tout le monde est englué et s'empresse à peine installé, de finir sa nuit avant que le jour ne se lève, nous compris.

et puis le soleil nous sort doucement de notre torpeur, c'est le début d'une loooongue et riche journée, 23h de contacts privilégiés avec les birmans, 23h de partage et de découverte, un des meilleurs moment so far.

On savait la route longue, donc nous avions opté pour la "Upper Class", 35$ le billet quand même, une vraie fortune ici, mais c'est le tarif spécial étrangers, les birmans payent 3 fois moins, ce qui n'en reste pas moins une fortune pour eux. Sans faire la bourgeoise, j'ai béni ce choix… les voies ferrées (et les trains en eux-mêmes) sont dans un état pour le moins déglingué, construites du temps de la colonie britannique, donc de 1840 et des bananes jusqu'à moitié du XXe, je doute qu'aucune forme d'entretien n'est été opérée depuis…. en gros mieux vaut ne pas avoir le mal des transports sinon c'est la cata'! boire ne serait-ce qu'une gorgée d'eau se transforme en véritable épopée tant on est en permanence comme sur un trampoline, ça saute, ça rebondit et on ne peut pas dire que les sièges défoncés arrangent vraiment ce vaste tangage... mais du coup c'est l'occasion de regards complices avec les autres aventuriers du wagon, première prise de contact, on se marre.

Myitkyina, n'est pas ce qu'on appelle une destination touristique. Ville au nord du Maynmar, c'est la capitale de l'état kachin, une des minorités les plus importantes du pays et aussi une des plus coriaces avec la gente. En rébellion depuis toujours pour son indépendance, elle s'oppose également aujourd'hui à la main mise de la Chine sur les matières premières du pays en bloquant notamment la construction d'un immense gazoduc sur son territoire, y sont bien ces kachin! Mais du coup, toute cette partie du pays était complètement fermée jusqu'à début mars, ils ont payé cher leur insoumission et continuent d'ailleurs, jamais vu autant de militaires en armes que là bas.

Nous sommes donc les seules étrangères dans tout le train, et constituons l'attraction du jour. Ce sont comme toujours d'abord les gosses qui s'approchent, puis bientôt les mamans et enfin la moitié du train qui défile devant nous au fur et à mesure que l'info circule dans les wagons! Je vous avoue que c'est parfois assez gênant d'être ainsi observée, d'autant que personne ne parle un mot d'anglais, donc échange difficile. Mais comme toujours en Birmanie, le sourire l'emporte et au final, on se fera nourrir toute la journée par tout le train qui vient nous apporter qui du thé, qui du riz, des gâteaux... j'ai du prendre 3 kilos ce jour là tellement on s'est fait gaver!

Je passais mon temps à chaque station à acheter de la bouffe pour pouvoir donner en retour tellement j'étais mal à l'aise de tout ce qu'on nous donnait.
ah oui parce que bien sûr en 23h vous imaginez bien qu'on est passés par moult gares, et à chaque fois c'est l'invasion! des petits vendeurs de tout ce que vous pouvez imaginer prennent le train d'assaut et le temps des 10 minutes de pause, c'est un grand marché qui s'installe: fruits, riz, plats cuisinés, clopes, glaces, boissons, tout est là

Pour le trajet vers Hsipaw, ayant appris entre temps que le prix du billet allait directement dans les poches du gouvernement, j'ai opté pour l'"ordinary class", les banquettes en bois en gros, mais du coup seulement 4$ pour les militaires ;)

encore un départ à 4h du mat'... mais cette fois, à peine arrivée à la gare, on m'annonce que le train a du retard, il devrait arriver vers 7h…il pointera sa micheline vers 10h au final, mais bon, patience mère de toutes les vertus hein.

je ne vous cache pas que j'avais mal au cul comme jamais à l'arrivée, mais je ne regrette en rien mon choix. Les gens que j'ai rencontrés pendant ce périple m'ont bouleversés. Un voyage très différent du premier. Ici pas question d'échange de nourriture, tout simplement parce que les gens n'avaient quasi rien à bouffer… je ne m'en suis tout d'abord pas rendue compte, mais au bout de quelques heures, j'ai réalisé que personne ne mangeait dans le wagon.. et puis une maman m'a demandé d'acheter des bananes pour ses enfants à un stop dans une gare et là j'ai percuté l'état de pauvreté des gens qui m'entouraient, le choc a été rude… passée l'émotion, il fallait jouer finement pour ne pas les mettre mal à l'aise et les faire accepter la nourriture que ma condition de bien née en Europe me permettait de leur offrir. Ce fut donc le grand jeu de "je veux gouter tout ce qui passe mais je n'aime pas".
Je ne suis pas prête d'oublier les regards et les sourires de cette journée, et j'espère ne jamais perdre de vue la chance que j'ai de pouvoir choisir d'être végétarienne…

Allez c'est bien assez copieux pour aujourd'hui, je vous laisse!